©DR

Hommage à Alain Mollot

J’ai rencontré Alain en 1990, lors de ma deuxième année à l’École Jacques Lecoq. Son enseignement engagé nous a éveillé à la raison profonde de raconter une histoire. Le dernier jour d’école, il m’a proposé de participer à un projet sur deux ans. Malgré mes hésitations initiales (pour des raisons personnelles, j’habitais encore en Nouvelle Zélande dont je suis originaire), j’ai accepté, changeant ainsi le cours de ma vie.

Travailler avec Alain était stimulant. Nous étions une jeune équipe énergique, parcourant la France, travaillant dur et faisant la fête avec la même intensité. Alain vivait pour son art, obsédé par l’idée d’un théâtre populaire, accessible à tous, poétique et engagé.

Après des années comme comédienne, j’ai dû retourner dans mon pays, mais la France m’a vite rappelée. Alain m’a alors donné l’opportunité d’auditionner pour « La Mère » de Witkiewicz, un rôle qui a confirmé ma place en France.

Il m’a ensuite guidée vers l’enseignement et la mise en scène, me faisant confiance comme assistante et co-auteure. Son cycle de Théâtre de Témoignage m’a emmenée dans un long voyage à travers la France, donnant vie aux histoires de gens ordinaires. Il avait le don de valoriser chaque personne, qu’elle soit dans le sous-sol d’une cité ou sur une scène parisienne.

Alain était mon mentor et mon ami. Il m’a donné confiance et a partagé avec moi des outils précieux. Comme tout mentor, il m’a préparé à voler de mes propres ailes. 

Dans ses derniers jours, il m’a fait l’honneur de le remplacer pour un atelier à Buenos Aires. Peu après mon retour, il est décédé. J’ai eu le privilège de créer un spectacle en son hommage avec les acteurs qu’il aimait tant, respectant son souhait d’une cérémonie « un petit peu triste mais pas trop », fidèle à sa conviction que même dans le drame, l’humain et le rire ne sont jamais loin.

Merci, Alain, pour ta rigueur, ton engagement, ta poésie, ta folie, et cet « ailleurs » mystérieux que tu cherchais souvent. Merci pour ta joie de vivre et pour avoir partagé ton amour du théâtre et de la vie. Nous ne t’oublierons jamais et souhaitons que la Jacquerie en conserve un digne souvenir. 

 Juliet O'Brien